Là où il y a de l’humain, il y a de la musique. Vous pouvez l’écouter partout sur la planète sans devoir recourir à un interprète. À l’aide d’extraits sonores, cet article illustre 21 manières de pouvoir s’accorder, quelles que soient votre langue, votre culture et vos compétences musicales. Une expérience unique et originale. Je vous souhaite un très agréable moment d’écoute…
Selon Marcel Proust dans La Prisonnière, la musique est peut-être l’exemple unique de ce qu’aurait pu être la communication des âmes s’il n’y avait pas eu l’invention du langage, la formation des mots ou l’analyse des idées.
Quel est donc ce miracle, et à partir de quand les vibrations acoustiques sont-elles musique et non bruit ? Un chat qui se hasarde sur le clavier d’un piano crée-t-il de la musique ? Sans doute que non, et si la musique représente le langage des âmes, la définir paraît un exercice vraiment difficile tant elle renvoie à la complexité de notre nature dans ses multiples aspects neurosensoriels, rationnels, émotionnels et spirituels. Je vous invite plutôt à un tour d’horizon avec 21 expériences concrètes, afin de vous permettre d’en percevoir les différentes dimensions. À vos écouteurs !
Quelques conseils avant l’écoute des plages musicales : pour éviter une cacophonie, mettre l’écoute sur pause avant de passer à la lecture du morceau suivant (en cliquant sur la partie gauche du lecteur) ; appuyer sur la croix en haut à droite pour faire disparaître l’invite de Spotify et voir réapparaître la référence du morceau ; de simples écouteurs permettent d’apprécier mieux la diffusion stéréophonique ; ne pas hésiter à écouter l’extrait proposé pendant la lecture du texte correspondant ; la musique est multidimensionnelle et s’apprécie en écoutant séparément chaque note, chaque timbre de voix ou d’instrument, chaque accord, chaque tempo ; et pour terminer, en écoutant les extraits grâce aux widgets de la plateforme Spotify, vous acceptez les conditions générales de ladite plateforme que vous pouvez lire en cliquant sur le lien suivant : Widget Terms of Use
Au risque de vous surprendre, commençons par le silence. Mais attention, le silence absolu n’existe pas sur terre. En effet, une ambiance calme perçue comme silencieuse représente malgré tout 30 à 40 dB. Il y a donc « matière » à écouter le silence.
Le silence a un effet bénéfique sur le stress, et permet de méditer, d’écouter sa musique intérieure, et par l’introspection, de communiquer avec son âme.
Illustrer le silence avec une plage sonore serait absurde. C’est pourquoi je vous propose d’écouter ce qu’on appelle un bruit rose. Il est parfois utilisé comme thérapie sonore pour étouffer la perception des acouphènes chez des personnes réellement perturbées par des sifflements ou bourdonnements d’oreille.
Elles sont tellement variées et s’offrent gratuitement à nos oreilles dès que nous nous éloignons des villes. Tantôt de source animale comme les chants d’oiseaux, tantôt provoquées pas des phénomènes physiques comme l’épanchement des vagues de la mer, elles sont pour la plupart apaisantes. Nous pouvons être touchés par le bruit des arbres : en forêts ou solitaires, leurs mélodies nous parlent… Parfois les manifestations sonores de la nature nous font craindre leur force, à l’instar d’un coup de tonnerre ou de l’éboulement d’une avalanche.
Laissez-vous emporter quelque temps par la douceur et les vertus relaxantes des gazouillis d’oiseaux dans l’extrait ci-dessous…
La musique s’écoute également par la peau ! Les pizzicati dans les notes graves d’une contrebasse procurent une sensation de résonance dans le corps et confèrent à certains morceaux de jazz ou de musique classique une dimension profonde et chaleureuse. Les bols tibétains diffusent eux aussi leurs vibrations sonores à travers le corps lorsqu’ils sont utilisés pour un massage sonore bienfaisant.
Le rythme est une musique en soi. D’ailleurs, la discographie révèle un répertoire important d’oeuvres pour percussions seules. Les variations rythmiques de frappes, chocs et battements d’objets ou d’instruments peuvent nous emporter, et même nous envoûter. Nous pouvons éveiller un enfant à la musique dès son plus jeune âge, à l’aide de jouets sous forme de hochets, maracas et petits tambours, ou plus simplement, en le laissant frapper des objets familiers.
Tous les genres musicaux sont susceptibles d’exploiter les empreintes rythmiques, et certains peut-être plus que d’autres, comme les musiques africaines et orientales. L’extrait ci-dessous reprend une composition de Brent Lewis qui a traversé l’Afrique pour y étudier les racines de la musique africaine.
C’est probablement celle qui vient à l’esprit en premier lieu lorsqu’on évoque la musique. Une mélodie peut se jouer ou être chantée une seule note à la fois. Elle se mémorise d’ailleurs assez facilement. Certaines sont tellement populaires et ancrées dans notre mémoire collective que peu de gens se demandent encore qui en sont les compositeurs officiels.
Connaissez-vous par exemple la petite chapelle à Oberndorf en Autriche ? Elle commémore un chant de Noël célèbre, composé sur un accompagnement de guitare en 1818 par Franz Xaver Gruber. Cette mélodie a fait rapidement le tour du monde et l’oeuvre est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Je vous propose d’en écouter une version pour illustrer combien une mélodie peut être douce et communicative.
Trois petites notes suffisent à elles seules pour susciter des résonances émotionnelles différentes selon qu’elles forment un accord en mode mineur ou majeur. Une coloration mineure ouvre son monde intérieur et inspire un sentiment de douceur, de tendresse, de mélancolie, d’inassouvissement, et parfois de tension et d’orage. La tonalité majeure, plus extravertie, nourrit quant à elle une sensation de soulagement, d’allégresse, d’accomplissement et de grandeur. De toute évidence, l’humain est sensible au discours harmonique.
C’est ici l’occasion de rendre hommage au compositeur Franz Schubert qui, sur le plan harmonique, oppose de manière constante les modes mineur et majeur. Ce faisant, il démontre la magnificence des modulations musicales.
Des mélodies distinctes peuvent se mélanger et former des accords harmonieux. Vous rappelez-vous avoir jamais chanté Frère Jacques sous forme de canon, où chaque voix répète exactement la même chanson de manière différée ?
Dans Rigoletto de Giuseppe Verdi, il y a dans le 3ème acte un quatuor resplendissant, constituant d’ailleurs un florilège des oeuvres d’opéra. Chaque voix apporte sa caractéristique musicale propre, et l’ensemble vous procure de véritables frissons au moment de l’apogée. L’extrait suivant vous permet d’écouter Bella figlia dell’amor à votre guise, en vous focalisant lors de chaque écoute sur une voix en particulier pour votre plus grand plaisir.
Dissonance ne signifie pas nécessairement cacophonie. Au contraire, elle peut alimenter des envolées lyriques et romantiques, exprimant à sa façon les tourments de l’âme, ou encore, l’opposition entre ce qui est espéré et la réalité. À ce titre, les Vier Letzte Lieder (Quatre Derniers Chants) de Richard Strauss peuvent être une découverte particulièrement belle et intéressante. Je vous en propose un extrait…
Chacun a son histoire gorgée de souvenirs heureux et de chagrins. Une personne, un lieu, une circonstance… Notre mémoire émotionnelle est ainsi faite : une musique entendue par hasard à la radio ou dans une boutique est capable de faire resurgir instantanément, comme par magie, une réminiscence enfouie au plus profond de soi, et nous faire plonger automatiquement dans le passé.
Il est impossible d’illustrer ceci par un exemple universel, car chaque personne dispose de ses propres expériences émotionnelles.
J’ai choisi l’extrait que voici pour rendre hommage à Charles Aznavour, un auteur et compositeur capable d’interpréter ainsi son titre « La bohème« , au point de réveiller en nous – surtout les moins jeunes – un sentiment de tristesse causé par l’éloignement de notre jouvence , car « la bohème, ça voulait dire… on a vingt ans… ».
N’avez-vous jamais fredonné une mélodie selon votre état d’humeur ? Oui, la musique peut sublimer un sentiment de joie ou de tristesse, et on peut aussi l’aimer dans sa solitude comme une tendre amie ou en guise de ressourcement intérieur.
La musique permet aussi de s’évader ou de se relaxer, et nous fait ressentir des émotions si différentes selon l’instant ou le morceau choisi. L’extrait suivant a été joué comme finale d’une pièce de théâtre où les deux protagonistes dansaient dans la joie de leur amour et complicité.
La musique n’est pas une personne, et pourtant, elle est capable de distiller des émotions, parce que l’être humain y fait résonance. Sur grand écran, elle occupe une place importante, et bien souvent, on se souvient d’un film car on a aimé sa musique, et surtout l’émotion qu’elle a sublimée en soi. Ainsi, elle confère à l’image, au thème et à l’espace une dimension supplémentaire en les amplifiant par le biais d’un langage émotionnel. Les producteurs d’émissions radiodiffusées ou télévisées l’ont bien compris : ils consacrent tout le budget et le soin nécessaires pour le générique musical de l’émission qui devient en quelque sorte la signature de leur programme.
Radu Mihaileanu, le réalisateur du film « Vas, vis et deviens », a été bien inspiré en confiant à Armand Amar la composition de la musique de ce long-métrage véritablement poignant, racontant l’histoire d’un jeune garçon séparé de sa mère et de son pays, perdant ainsi ses racines les plus profondes… Dans cet extrait, les notes graves du violoncelle illustrent de manière déchirante les larmes silencieuses, tandis que les notes plus aiguës du violon représentent les lamentations de l’âme, le tout étant rythmé par les pizzicati d’une contrebasse pour évoquer les battements d’un coeur affligé.
Une humeur n’est pas une émotion en tant que telle. Isabelle Filliozat, dans son ouvrage « Que se passe-t-il en moi ? » définit l’humeur comme un état passager, une ambiance affective qui colore le vécu et qui dure de quelques heures à quelques jours.
Certaines chansons nous incitent à la bonne humeur lorsqu’elles répondent à certains critères, comme l’utilisation d’une tonalité majeure (voir plus haut), l’expression de paroles positives et un rythme au tempo entraînant. Ne nous privons donc pas de l’extrait suivant :
Il est intéressant de se demander pourquoi on aime partager « ce » qu’on aime avec « ceux » qu’on aime. Peut-être est-il rassurant pour l’être humain de se sentir appartenir à un groupe ou à une communauté, et de concrétiser ce fait par différents moyens de communication. Parmi ceux-ci, le partage réciproque de morceaux de musique, et l’émotion qu’ils procurent, permettent de renforcer ses liens avec son « clan ». Pour les mêmes raisons, et cela concerne aussi d’autres domaines comme l’habillement ou la décoration, certaines personnes accordent de l’importance à ce qui est « tendance », un mot cher au marketing. Dans ce qui précède, le plus important n’est-il pas de rester soi-même et de déterminer pour son propre chef ce qui est de « bon » ou de « mauvais » goût, et de forger ainsi sa personnalité ?
Avec leur titre « Despacito » (2017), Luis Fonsi et Daddy Yankee ont ainsi battu le record absolu sur Youtube, avec pas moins de 7 billions de vues, de quoi surpasser largement Whitney Houston, avec sa chanson « I will always love you » (1992) qui a atteint récemment 1 billion de vues (source Billboard , publiée le 27/10/2020).
Assurément, ce single latino-américain aux paroles « caliente » et son clip vidéo ont fait l’objet d’un nombre historique de partages.
Il suffit d’écouter l’extrait suivant pour se rendre compte à quel point un spectacle en public peut enthousiasmer l’assistance. C’est bien plus que simplement y croiser des gens partageant le même centre d’intérêt. L’artiste, lui-même transporté par la chaleur du public, comme un phénomène de résonance, démultiplie les effets de sa prestation.
Comme le disait Éric-Emmanuel Schmitt au cours d’une interview accordée à Evene.fr en octobre 2005, « la musique nous aide à construire nos vies spirituelles, nous apaise, nous console, nous redonne de la joie, nous rend allègre, nous fait danser, chanter. »
Ceci est particulièrement vrai lorsque nous écoutons le chœur des moines bénédictins de Chevetogne dans l’extrait musical ci-dessous : saluons la beauté de ce chant polyphonique aux vertus apaisantes et réconfortantes.
Est-il possible de nous concentrer mieux sur nos tâches lorsque nous écoutons de la musique ? Certains diront oui, comme par exemple lorsqu’ils lisent un livre ou lorsqu’ils exécutent un travail répétitif. D’autres au contraire répondront que la musique les empêche de réfléchir, de mémoriser ou d’être créatifs. Des élèves étudient avec des écouteurs dans les oreilles, tandis que d’autres utilisent des casques anti-bruits.
Mais que nous apprennent les neurosciences cognitives sur le sujet ? Lors d’une interview accordée à Musiq3 en octobre dernier, le professeur Emmanuel Bigand, éminent spécialiste dans ce domaine, explique que « la musique active tout un ensemble de réseaux qui vont des couches corticales jusqu’à des couches très archaïques du cerveau ». Il évoque même une « symphonie neuronale » capable de produire des effets bénéfiques sur le cerveau et de « booster notre fonctionnement cognitif en général ».
En effet, le cerveau est bondé de neurones interagissant les uns avec les autres par le biais de neurotransmetteurs qui sont en réalité des médiateurs chimiques. Selon leur nature, ils peuvent avoir un effet tantôt inhibant, tantôt excitateur. Ainsi, selon Emmanuel Bigand, une musique qui nous est agréable activera les circuits de la récompense. Le cerveau libère alors de la dopamine procurant une sensation de plaisir ou de bien-être, plus favorables à la concentration que le stress ou l’anxiété. En outre, la satisfaction libère de la sérotonine, autre médiateur chimique qui favorise la concentration.
Mais on ne peut pas isoler ainsi les retentissements de nos seules perceptions auditives, encore faut-il tenir compte de l’impact de nos résurgences intérieures, comme notre mémoire émotionnelle ou notre motivation, capables d’influencer positivement ou négativement nos capacités cognitives.
Tout cela est profondément propre à l’individu à un moment donné. Somme toute, chacun est différent et apprendra par lui-même quelles sont les musiques susceptibles de lui apporter, selon les circonstances, un bénéfice en termes de concentration. Tout l’art consiste alors à ne pas se laisser envahir par ce que j’appellerais une « cacophonie neurochimique », mais de se laisser insuffler cette « symphonie neuronale » chère à Emmanuel Bigand.
Attention quand même, les paroles d’une chanson et le timbre de la voix humaine risquent plutôt de perturber votre attention : si vous devez vous concentrer, mieux vaut alors choisir une musique instrumentale ou orchestrale. Pour cette raison, j’apprécie particulièrement les œuvres du répertoire baroque aux effets généralement plus réguliers, comme dans l’exemple que voici :
Concernant les versions, j’aime comparer différentes interprétations d’une même oeuvre de musique ancienne sur base d’une partition identique. Ma préférence dépendra de plusieurs facteurs : la touche artistique de l’interprète, le tempo emprunté, la qualité de l’enregistrement, le rendu du son avec la qualité des basses, etc.
Et puis, il y a les reprises… Les chansons et pièces musicales populaires sont parfois reproduites par d’autres artistes que ceux d’origine, ce qui nous permet alors de les explorer d’une façon nouvelle, ou de préférer l’oeuvre originale. Nous pouvons aussi découvrir pour la première fois un morceau ancien grâce à la sortie de sa reprise.
Par l’exemple ci-dessous, je veux rendre hommage à deux artistes belges, le chanteur Salvatore Adamo et le rappeur Eddy Ape. Ils interprètent ensemble cette ancienne chanson d’Adamo intitulée « Les filles du bord de mer », mais revue par le rappeur avec, selon moi, un talent exceptionnel. Un grand bravo à tous les deux !
En général, les concours rencontrent pas mal de succès. Nous les connaissons dans différents domaines : le sport, la littérature, le jeu, la beauté, la politique, l’éloquence, etc. Voir concourir des protagonistes – individuellement ou en équipe – a ce petit côté excitant, surtout lorsqu’ils excellent et rivalisent dans un domaine qui nous passionne. La passion, ça y est, le mot est lâché !
La musique n’y fait pas exception ! Qui ne connaît pas l’émission télévisée « The Voice » ? Les mélomanes avertis aimant la musique classique connaîtront certainement, parmi tant d’autres, le « Concours Reine Elisabeth » à Bruxelles, ou encore le « Concours international Mozart » du Mozarteum à Salzbourg. Dans un autre genre musical, il y a par exemple à Paris le « Concours national de jazz de la Défense ». Au total, tous les concours musicaux de par le monde nous permettent d’écouter des musiques exécutées par des interprètes de grande qualité.
Voici un deuxième cocorico belge avec l’extrait ci-dessous, provenant du film « Le Maître de musique » réalisé par Gérard Corbiau, dans lequel un des élèves du « Maître » s’opposera au protégé de son rival à travers un concours lyrique :
La musicothérapie, qu’elle soit active, réceptive ou de détente psycho-musicale, tisse un lien entre le sujet et son thérapeute, et permet d’explorer différents domaines de la rééducation. Dans certains cas, elle permet d’atténuer la sensation de douleur.
Parmi les différentes expressions de la musique, le style musical est le reflet d’une partie de nous. Avez-vous jamais compté le nombre de genres musicaux ? Pour être honnête, je pensais qu’il y en avait tout au plus une (petite) cinquantaine… Grand maximum ! Citons le jazz, le rock, la musique classique et baroque, l’opéra, l’électro, les musiques du monde, la chanson française, la musique d’ambiance, le new age, le reggae, le bossa nova, le swing, le chant chorale, le tango, la valse, …
Une petite visite sur Wikipedia m’a littéralement stupéfait : à l’heure où je rédige cet article, j’ai pu y dénombrer 709 genres musicaux différents ! De quoi satisfaire tout le monde… et je trouve cela extraordinaire.
Je ne pourrais pas vous faire écouter chacun des genres musicaux, mais j’ai choisi un extrait d’un genre que je n’ai pas cité plus haut, intitulé en anglais la « soul music », ce qui signifie la musique de l’âme…
Avant de poursuivre, je tiens à remercier tous les auteurs, compositeurs, interprètes et ingénieurs du son qui m’ont permis d’illustrer différentes façons d’expérimenter la musique parmi tant d’autres.
En guise de finale, nous pouvons composer nous-mêmes et goûter au plaisir de la création. Pour un artiste amateur ou professionnel, rien n’est plus précieux que sa propre composition musicale, car elle exprime ses émotions les plus intimes. Partager et diffuser le produit de sa création peut se révéler carrément jouissif.
C’est avec une certaine émotion que je partage une composition de mon fils lorsqu’il avait 19 ans, intitulée « La Moldeva De Ma Vie » :
Maintenant, c’est à vous de jouer ! Les 21 exemples illustrés ci-dessus ne sont pas exhaustifs. Je vous invite donc à poster un commentaire ci-dessous, en décrivant une expérience musicale qui vous a particulièrement touché(e), et à copier le lien qui renvoie vers votre musique préférée, afin d’en faire profiter tous les lecteurs… D’avance, je vous remercie de votre participation !
Les émotions sont l’essence même des êtres sensibles, humains et animaux. Elles nous submergent parfois, elles nous anéantissent ou nous élèvent souvent, mais toujours, elles nous meuvent et nous animent, depuis notre premier jusqu’à notre dernier souffle. Elles sont un langage universel qu’il est important de comprendre, pour cheminer vers son harmonie et vers son humanité.
Je me souviens d’un soir d’automne où je me promenais sur les crêtes des Monts du Cantal. Le ciel était or, limpide, pur de la moindre intrusion nébuleuse. Le soleil disparaissait lentement derrière l’horizon. Il teintait les montagnes et les forêts de rouge et de jaune, qui se mêlaient au vert des collines, et sublimait ce décor de sa lumière singulière.
Mon organisme tout entier a témoigné de son émerveillement par des manifestations physiques puissantes : chair de poule, larmes aux yeux, gorge nouée, mains moites, impossibilité de bouger. J’étais profondément émue.
Einstein a dit : « Celui qui n’a jamais connu l’émotion, ses yeux sont fermés ». Ce soir-là, mes yeux étaient grand ouverts, esquissant un subtil chemin vers mon âme…
L’émotion est une composante intrinsèque des êtres sensibles, des animaux humains et non-humains pour reprendre les termes chers à Darwin. Elle pourrait se définir comme « une expérience psychologique complexe et intense, avec un début brutal et une durée relativement brève, de l’état d’esprit d’un individu lié à des stimuli internes et externes ». L’homme, soumis à un contexte particulier, va réagir avec émotion à une situation inattendue et soudaine ; il va être le siège de manifestations psychologiques plus ou moins conscientes, plus ou moins contrôlées, et de stigmates corporels propres aux circonstances et à ce qu’il est.
Darwin a largement étudié les émotions à travers ses travaux d’éthologue et de naturaliste. Il en définit six, universelles et intemporelles, qu’il a pu observer à travers les âges, à travers les cultures et même à travers les espèces. Il s’agit de la joie, de la peur, de la tristesse, du dégoût, de la colère, de la surprise.
L’une des formes d’expression de l’amour dans son sens le plus large est la joie. L’amour correspond à la connexion à l’autre et au monde qui nous entoure, mais aussi à la connexion de sa conscience à son être profond. Lorsqu’on est dans l’Amour, chaque parcelle de soi est connectée au Tout, et on exprime de la joie.
La peur, quant à elle, est le contraire de l’amour. Elle correspond à une déconnexion de soi avec son essence profonde. Il n’y a plus de lien avec l’autre, ni avec le monde environnant et sécurisant, ce qui engendre une sensation de vide, de solitude et de grande angoisse. L’âme de celui qui a peur se terre au fond de son être et s’enferme dans un isolement déstructurant.
L’amour et la peur sont donc des sentiments contraires qui définissent l’être sensible, et qui vont édifier chez lui, tout au long de sa vie, en fonction de sa culture, de sa personnalité, ou encore du contexte, des émotions de différentes natures. Elles sont les deux émotions « primaires » qui, mixées comme les couleurs de l’arc-en-ciel, constituent toutes les teintes du spectre lumineux et vont en se mêlant, peindre toutes les nuances de l’âme.
Les autres émotions décrites par Darwin sont un subtil mélange d’amour et de peur, instillés sur l’individu dans des proportions différentes et perçues par celui-ci selon les caractères intimes qui le définissent, selon sa culture, mais aussi selon les paramètres extérieurs qui l’entourent. La psyché de chacun réagit singulièrement à des stimuli externes, en fonction de ses caractères internes.
Charles Darwin explique dans son ouvrage « L’expression des émotions chez l’homme et les animaux » que les émotions ont une nature universelle, et se manifestent par un ensemble d’expressions faciales, de gestuelles et de postures propres à l’émotion exprimée et à l’espèce qui l’exprime.
Ainsi, la colère, la surprise, ou n’importe quelle autre émotion est éprouvée par l’être sensible de façon personnelle et particulière, mais sa forme d’expression présente néanmoins des similitudes, quelle que soit l’ethnie, la culture, ou l’individu. Chaque émotion présente des éléments corrélatifs observables qui la définissent. Le dégout, par exemple, se dessine sur un visage et s’exprime à travers un langage corporel clair et identifiable par le groupe. Il en est de même pour toutes les émotions décrites par le naturaliste.
Les émotions ont donc un caractère universel, comme il a pu les observer et en décrire leurs caractères communs au sein de plusieurs sociétés aux coutumes très diverses, mais aussi au sein d’un large spectre d’espèces animales.
Le sociologue Goleman s’est alors interrogé sur la fonction des émotions et sur leur utilité au sein du groupe. Il a pu remarquer que l’expression d’une émotion permet à l’autre de connaitre l’état d’âme d’un individu dans une situation donnée. Elle permet ainsi de renseigner le groupe sur la nature des sentiments des uns et des autres, et donc de se positionner au sein de ce groupe, ou de situer l’autre dans un contexte précis.
Cette prise de conscience et cette appréhension de l’état émotionnel des individus contribue à une meilleure adaptabilité de chacun dans la vie communautaire. Chacun apprend à mieux se connaitre, à identifier ses besoins, les besoins de l’autre, et ainsi à les satisfaire au plus près de leurs vérités. Les émotions et leurs différentes formes d’expression permettent ainsi de développer des relations harmonieuses et équilibrées au sein du groupe.
Des études menées par des éthologues et des sociologues montrent que les émotions partagées scellent également des liens précieux et puissants entre les gens. Lors d’expériences traumatisantes comme les attentats ou les catastrophes naturelles, les victimes nouent des relations très fortes entre elles, unies dans leur chair par cette souffrance commune, par ces émotions vives qui raisonnent à l’unisson les unes des autres.
Ainsi, l’expression d’une émotion facilite notre adaptation à l’environnement, notre coexistence et notre survie. Les émotions améliorent donc notre qualité de vie et notre bien-être, à condition bien sûr qu’elles soient conscientisées, acceptées et exprimées.
Etymologiquement, « émotion » contient le préfixe « e » qui signifie aller vers l’extérieur, et la racine « motion » qui traduit la notion de mouvement. L’émotion est donc une énergie qui prend naissance à l’intérieur de soi et qui est destinée à en sortir, à être expulsée. Cette énergie provoque des réactions internes vives, comme nous l’avons déjà certainement tous éprouvé, et se diffuse sur notre entourage.
Pour que nous puissions vivre en harmonie avec nous-mêmes et avec les autres, nous devons donc laisser exprimer nos émotions. Pourtant, notre culture et notre éducation nous réfrènent avec ardeur dans cet exercice. Combien de fois n’avons-nous pas entendu, lu, appris qu’il ne faut pas pleurer, qu’il ne faut pas avoir peur, qu’il ne faut pas rougir ? Pourquoi cela ?
Parce que l’illusion est élégante ? Parce que le déni nous rend plus fort ? Parce que l’absence d’affect est une forteresse invincible qui nous protège ?
Je ne le crois pas.
Les grandes figures de ce monde, les dirigeants des grandes nations, des grandes entreprises, ne nous laissent jamais entrevoir leurs émotions. Comme s’ils avaient peur de se mettre à nu, de se dévoiler et ainsi de révéler leur faiblesse. Ils ont appris qu’être digne signifiait de rien laisser échapper d’eux-mêmes. Mais est-ce vraiment cela la dignité ?
Là encore, je ne le crois pas. Être digne ne serait-il pas plutôt être soi-même, profondément ? Cette puissante énergie émotionnelle qui nait de nos entrailles, qui nous parle et vibre en nous, ne doit donc pas être niée ; elle doit être évacuée, excrétée de notre corps.
Lavoisier a dit : « Dans l’univers, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Si cette énergie reste dans notre organisme, si elle n’est pas exprimée, elle va alors s’amasser, s’accumuler dans nos organes, se transformer et en altérer le bon fonctionnement. Si cette énergie stagne en nous, elle va devenir négative, nocive et génératrice de troubles profonds. Ainsi, à terme, un organe qui va stocker ce type d’énergie néfaste va se mettre à dysfonctionner et à exprimer une maladie.
N’oublions pas que le « mal-a-dit ».
Des émotions refoulées, contenues, niées se traduisent par des maux spécifiques relatifs à l’organe récepteur de cette émotion. Par exemple, la peur non exprimée va s’accumuler dans les reins, la colère étouffée va charger le foie en mauvaise énergie, l’inquiétude chronique va affecter l’estomac.
D’ailleurs, de nombreuses expressions consacrées énoncent clairement ces dommages. Nous entendons souvent dire « j’en ai plein de dos » lorsque des lombalgies chroniques traduisent un sentiment d’impuissance à porter tout le poids de sa vie ; ou encore « tu me pompes l’air » lorsque l’appareil respiratoire dysfonctionne, englouti sous la sensation de manque de liberté ou d’oppression. Nous pouvons aussi avoir des genoux fragilisés lorsque le « je » ne parvient pas à s’harmoniser avec le « nous », (je-nous) lorsque nous avons du mal à trouver notre juste place parmi les autres.
Il est donc important pour chacun de laisser s’exprimer ses émotions. Pourtant, nous essayons toujours avec ardeur de nous délester de notre colère lorsqu’elle nous submerge, de notre jalousie, de notre dégoût, et de toutes les émotions « négatives » qui affleurent à notre conscience.
Jean-Paul Sartre a écrit : « Nous appellerons émotion une chute brusque de la conscience dans le magique ». Le philosophe parle de magie pour désigner notre âme. En effet, la magie opère lorsque « l’âme-agit ».
L’émotion serait alors un message, une réponse brutale, parvenue à notre conscience, que nous enverrait notre âme, notre part divine connectée à notre vérité, mais que notre culture, notre morale, notre ego nous masquent.
Les émotions sont la voix de notre âme qui parle à notre conscience, lui indiquant ce qui est bon pour nous (et exprime la joie) ou ce qui ne l’est pas (et nous procure peur, dégout, colère etc…). Elles permettent à notre esprit, à notre mental trop souvent coupé de notre essence profonde, de cheminer vers notre secret, vers notre substantifique moëlle.
Les émotions sont les messagères de notre conscience. Elles nous informent sur la perception qu’en a notre monde intérieur du monde qui nous entoure. Ainsi, écouter nos émotions, les comprendre, les accepter semble indispensable pour cheminer vers notre vérité. Elles tracent un chemin vers notre âme, vers notre « magie ».
Mais accepter nos émotions, nos passions, ne signifie pas ne pas les vaincre. Notre colère, notre tristesse, notre mépris pourront être vaincus lorsqu’on les aura entendus, analysés, compris, et que l’on pourra ainsi les évacuer de façon juste et bienveillante.
Accepter une émotion telle que la colère, le mépris, le dégout, ne veut pas dire la laisser s’exprimer librement, anarchiquement, en bafouant l’autre dans son intégrité. Il n’est pas question de nier l’autre dans cette expérience. Extérioriser une émotion vive, l’exprimer avec justesse, est une tâche laborieuse et difficile qui doit être menée avec bienveillance envers soi-même et envers les autres.
Chacun, selon ses besoins intimes, selon ce qui l’anime et le nourrit, peut trouver, par la parole, par l’expression artistique, par le sport, par le rire, ou par un tout autre moyen, celui qui est le plus proche de lui pour évacuer ses émotions, et s’approprier ainsi pleinement l’incommensurable message qu’elles lui livrent.
Texte rédigé par Emmanuelle Salesse.