• info@quotiz.com

Témoignages

Couleurs, Intuition et Nostalgie

Dans son témoignage, Marie Abi Fadel parle de son expérience intime avec ses créations picturales, et nous invite à découvrir son univers par le langage des couleurs. D’ailleurs, elle n’hésite pas à débuter son texte par une citation empruntée au célèbre peintre français du 19ème siècle, Eugène Delacroix.

© Monsterkoi (Pixabay)

« La couleur est par excellence la partie de l’art qui détient le don magique. Alors que le sujet, la forme, la ligne s’adressent d’abord à la pensée, la couleur n’a aucun sens pour l’intelligence, mais elle a tous les pouvoirs sur la sensibilité. »

Eugène DELACROIX

Transformer mes émotions profondes et sensations troublantes en poésie visuelle et vivante, constitue pour moi un vrai moyen de narration artistique. Exprimer une nostalgie ancrée dans le profond de mon âme, en juxtaposant couleurs et lignes, ombres et lumières, devient une aventure inspirante me permettant de partager avec le public un regard intime sur un univers vif et infini.

Dans mon univers pictural, bienveillant et fantastique, se mêlent passé et futur sous forme de lointains souvenirs d’enfance et de mystérieux pressentiments. Je les retranscris dans le moment présent, ici et maintenant comme me le dit souvent mon ami, à l’aide d’un pinceau mais parfois aussi avec les doigts et les mains. C’est ainsi que naissent mes compositions spatiotemporelles, souvent dans une mouvance dynamique.

Couleurs pures et intuition

© Marie Abi Fadel – L’Univers (2012) – Acrylique sur toile 35 x 45 cm – Collection Couleurs et Nostalgie, Byblos (Liban)

Ma collection intitulée « Couleurs et Nostalgie » s’étend sur 10 ans de vie (2010-2020). Dans mes oeuvres, j’utilise souvent des couleurs chaudes, éclatantes et éblouissantes, afin de mettre au grand jour le plus profond de mon être. Chaque fois que je ressens l’envie de créer, je commence par choisir intuitivement une couleur, guidée par une inspiration soudaine, et c’est à cette couleur que je donne une forme.

Je superpose par la suite d’autres couleurs à ma couleur initiale, de nouveau de manière intuitive, jusqu’à obtenir des contrastes de couleurs simultanés, formés d’une combinaison de couleurs. Un dynamisme se crée alors tout naturellement dans mes œuvres, rythmées de couleurs et de lignes fluides. C’est le cas de In the desert, tableau que j’ai créé en 2019, lors de mon séjour au Liban.

© Marie Abi Fadel – In the desert (2019) – Acrylique sur toile 40 x 40 cm – Collection Couleurs et Nostalgie, Byblos (Liban)

Dialoguer avec l’âme humaine

© Marie Abi Fadel – Eclipsis (2017) – Acrylique sur toile 75 x 60 cm – Collection Couleurs et Nostalgie, Byblos (Liban)

Eclipsis, réalisée en 2017, est l’une de mes oeuvres préférées. Elle met au grand jour une symphonie de couleurs que je qualifie de mystérieuses, infinies et profondes. Leur harmonie nous fait plonger dans un secret éternel. C’est alors qu’apparaissent des formes géométriques qu’on imagine comme des corps cosmiques, lointains et inaccessibles, sublimés par le néant. Est-ce là que prennent naissance les âmes humaines ?

Inspirée par les formes abstraites de l’artiste Wassily Kandinsky ainsi que des cours de géométrie que j’adorais lorsque j’étais enfant, je puise les formes et les couleurs dans mon for intérieur, créant mes compositions picturales comme un musicien : avec des notes, des harmonies, un rythme et un tempo. C’est la raison pour laquelle mes créations raisonnent dans les âmes, telles des mélodies cosmiques.

Tout n’est-il qu’illusion ?

Parfois, les couleurs viennent s’inviter dans mes représentations picturales sous forme d’une improvisation spontanée et bien souvent inconsciente. Les couleurs que je puise ne proviennent pas d’une réalité contemplée, mais s’imposent au départ de souvenirs ou de sentiments refoulés. Elles forment l’équation d’un monde inconnu, ressenti, imaginé et exprimé par le biais de mes tableaux.

Pour l’exprimer de manière plus simple, les couleurs superposées sur ma toile constituent un langage – mon propre langage – émergé de mon inconscient.

© Marie Abi Fadel – Le fumeur de havane ou portrait de Gainsbourg (2018) – Acrylique sur toile 40 x 40 cm – Collection Couleurs et Nostalgie, Byblos (Liban)

Mouvementées et pures, mes couleurs s’expriment en vibrant, guidées par une énergie vitale pleine d’humour, comme dans Le fumeur de havane ou portrait de Gainsbourg, ou encore Le portrait de Dali, tableaux que j’ai réalisés en 2018, lors de mon séjour au Liban.

© Marie Abi Fadel – Portrait de Dali (2018) – Acrylique sur toile 30 x 30 cm – Collection Couleurs et Nostalgie, Byblos (Liban)

Par contre, les motifs figuratifs qui formalisent et structurent mes couleurs comme une charpente ne proviennent pas du hasard. En effet, les deux personnages que je reproduis, Gainsbourg et Dali, sont surréalistes, pleins d’humour, et me tiennent particulièrement à cœur.

Vers une recherche d’esthétisme

Au Liban, la nature est riche en couleurs vives et éblouissantes lesquelles coexistent en parfaite harmonie. Pour y avoir grandi, ma mémoire s’est imprégnée de ces coloris purs et contrastés. Dans ce pays oriental au climat plutôt doux, les saisons sont particulièrement marquées. Affectée par l’immense palette de couleurs éclatantes ainsi que par la nostalgie que laisse cette luminosité chaleureuse, il m’est devenu naturel de choisir les couleurs, surtout lorsqu’elles sont pures et vives, et de les utiliser comme moyen de communication au travers de mes compositions picturales.

Témoignage rédigé par l’artiste peintre Marie Abi Fadel.

Les Mamans Profs Solidaires : naissance d’un réseau d’entraide !

Quotiz inaugure sa rubrique Témoignages avec le récit de deux enseignantes, anciennes collègues et amies, passionnées par leur travail, devenues jeunes mamans à la suite de parcours différents, compliqués, mais qui ont abouti en octobre 2019. En effet, Delusha et Marine étaient enceintes à peu près au même moment. Elles précisent : « nos grossesses ont été particulièrement surveillées, et nos bébés sont nés avec six petits jours d’écart ».

© Sasint (www.pixabay.com)
Nous avions tant désiré ces petits qu’il nous semblait impensable de connaître les difficultés après cela

Et pourtant, à la reprise du travail rien n’a été vraiment simple. Notamment parce que le travail dans lequel nous sommes engagées présente une face cachée, dont on parle peu : le travail de préparation, à la maison, des séquences pédagogiques. Une phase chronophage et impérative présente dans tous les emplois du temps des enseignant(e)s.

À ce moment charnière, Annama, la petite fille de Delusha ne faisait pas encore ses nuits. Ce qui lui a valu des journées d’épuisement et de lutte pour “tenir le coup” face aux apprenants qu’elle avait à charge au GRETA de Seine-Saint-Denis. Plusieurs fois, Delusha m’a parlé de ce manque de sommeil qui l’affectait profondément, autant sur le plan physique que sur le plan psychique. Elle me disait aussi qu’il était frustrant de ne pas pouvoir partager ce ressenti avec ses collègues qui ne sont pas mères de famille. Elle avait bien essayé, mais l’empathie n’avait pas été vraiment au rendez-vous. Alors je lui disais que je la comprenais, et je lui disais que les choses allaient rentrer dans l’ordre bientôt… Je crois que ces simples mots l’ont aidée.

Pour moi aussi, ce passage a été délicat. Il a fallu mettre en place une organisation et des stratégies pour réussir à répondre aux exigences de l’INSPE, où j’étudie pour être titularisée dans le second degré, et “en même temps”, préparer les cours que j’assure au lycée, corriger les copies, assister aux conseils de classe etc.
Un principe s’est rapidement imposé pour gagner en efficacité et m’épargner un travail excessif à la maison : il s’agit d’accomplir un maximum de travail sur son lieu de travail (à l’université ou au lycée). Mais cela implique de rompre les contacts sociaux dans ces lieux de travail, donc une forme de sacrifice, mais qui en vaut la peine. Cette stratégie permet de passer des soirées sereines et même parfois des week-ends à tête reposée. Mais parfois, cela n’avait pas suffi. Isolée géographiquement vis-à-vis de ma famille, j’étais dans une impasse, d’autant plus que mon conjoint travaillait la nuit, avec un petit salaire. Pas de quoi solliciter une baby-sitter en claquant du doigt ! Dans ces cas-là, j’ai eu la chance de pouvoir compter sur Delusha pour garder mon enfant quelques heures et me permettre de me mettre à jour dans mon travail certains dimanches. Une solidarité qui a été indispensable dans certains moments pour tenir le choc des cumuls de travaux didactiques, de cours, d’examens à faire passer. Un vrai sésame !

Puis la covid-19 est arrivée sans crier gare

Une pause forcée, devenue parenthèse enchantée pour nous, car nous nous sommes plongées corps et âme dans le développement d’un projet. Un projet de collectif de Mamans Profs, qui, comme nous, souhaitent valoriser l’entraide mutuelle pour subvenir à nos besoins essentiels : le temps, l’argent, et le moral !

Le projet a d’abord commencé par une collecte de fonds

Elle s’est réalisée sur la plateforme de financement participatif Ulule. Une collecte d’un mois initialement destinée à financer le lancement d’un site web, et qui au final a également permis de réaliser un dessin animé racontant notre histoire ! C’est un site d’information et de mise en relation dont nous sommes particulièrement fières. Des articles et des vidéos sur notre blog, mais aussi des petites annonces peuvent y être consultés ! On propose également de développer des réseaux de Mamans Profs dans chaque région. Pour l’instant, les régions Hauts-de-France et Bretagne sont les plus dynamiques mais nous avons l’espoir d’entraîner plus de monde encore, sur l’ensemble du territoire ! Quant au dessin animé, il raconte la genèse du projet. Il nous ressemble vraiment, il est fidèle à notre histoire, et nous sommes très fières des valeurs qu’il met en avant !

Comment cela a pu se faire aussi vite et aussi bien

Je crois qu’il y a plusieurs réponses. D’abord nous avions du temps pour penser, du temps pour imaginer, du temps pour nous projeter dans un monde d’ “ après ” que nous voulions définitivement plus solidaire, plus responsable, plus juste. Ensuite, parce qu’il n’existait rien dans la communauté d’enseignantes qui puisse répondre de façon apolitique et indépendante aux besoins des familles d’enseignantes. Nous n’avons pas de comité d’entreprise. Il n’existe pas d’association spécifique au corps enseignant. Seule domine la voix souvent partisane des syndicats. Il y avait donc une place pour notre initiative !

Enfin, parce que nous nous sommes trouvées, je crois, avec Delusha. Rares sont les occasions dans une vie où vous reconnaissez pleinement chez l’autre les qualités que vous estimez les plus importantes dans la vie : la gentillesse, le partage, le don de soi, l’écoute, le non-jugement, la bienveillance, l’empathie. Eh bien, parfois, cela arrive. Je crois que dans ces moments-là, quand la confiance mutuelle règne avant tout le reste, il ne faut pas hésiter à s’engager, ensemble, dans une aventure, qu’elle soit professionnelle, sentimentale, ou comme dans notre cas associative !

C’est tout ce que l’on souhaite aux lecteurs et lectrices de Quotiz !

Texte rédigé par Marine Alam
Présidente de l’association des Mamans Profs Solidaires

Lien vers le site
Lien vers le dessin animé

1